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dans tous les esprits. Le caïd, heureux de l’occasion, dénonça Sidi Bou Chakour comme fanatique et dangereux. Et un jour le vieillard partit, menottes aux mains, pour la lointaine Taâdmit dont le nom seul fait frémir les Arabes d’Algérie.

Fier et résigné, le marabout répondit aux accusations perfides du caïd par un réquisitoire précis et impitoyable contre son accusateur, contre celui que la France avait envoyé parmi eux pour la faire aimer et respecter et qui, au contraire, la faisait haïr en commettant des iniquités en son nom.

Dans le tumulte provoqué par l’affaire de Margueritte, la voix du marabout se perdit et il accepta son sort avec la résignation simple et sans faiblesse, du vrai musulman.

Là-bas, dans les montagnes qui dominent les Hauts-Plateaux, avec tant d’autres internés, Sidi Bou Chakour, qu’aucun tribunal n’avait jugé ni condamné, travailla comme un forçat, coucha à terre par un froid glacial, sans même un couvre-pied, mangeant pour toute nourriture un demi-pain d’une livre et demie par jour…

Quand son mari fut parti pour le douloureux exil, la vieille Aouda, accablée de chagrin, fut cruellement traquée par le caïd moderne au bagout parisien, aux manières si singulièrement distinguées. Spoliée de son petit avoir sous prétexte que Sidi Bou Chakour n’avait