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point de titre régulier de propriété, Aouda dut se réfugier avec l’infirme chez des fellahs. Les Ouled-Fakroun et toute la tribu murmurèrent, mais, craignant la vengeance du « caïd roumi », ils se turent et courbèrent la tête.

Les mois passèrent. La vieille femme pieuse s’éteignit bientôt, inconsolée. Quand, relâché sur l’intervention d’un fonctionnaire d’Alger, brave homme de sens droit, Sidi Bou Chakour revint à Taourirt, c’était un vieillard caduc à l’incertaine démarche, au regard perdu. Il trouva sa petite terre passée en d’autres mains, son gourbi délabré, sa vieille compagne morte, et son palmier-doum à l’ombre duquel il aimait jadis s’asseoir, abattu.

Serein et résigné, sans une révolte, le vieux marabout s’accroupit sous le lentisque de la djemââ et attendit, en priant Dieu et en demandant l’aumône en son nom, que l’heure prédestinée sonnât.

Sidi Bou Chakour mourut peu de temps après son retour de Taâdmit, entouré de la vénération des fellahs pauvres et naïfs de la forka des Ouled-Fakroun. On l’enterra près de l’Ansard-ed-Dêm ; sa sépulture devint un lieu de pèlerinage pour les bédouins des environs, car le saint homme, sans orgueil, les avait aimés et conseillés.

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