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les chairs de ses figures. « Le peu qu’elle en possédait, dit-il ; elle l’estimait au poids de l’or. Mais elle ignorait où on la trouvait, et d’où elle venait. » Goethe dit à sa fille que je le traitais comme un sultan ; chaque jour de nouveaux présents. « Il vous traite plutôt comme un enfant ! » répliqua madame de Goethe, et il ne put s’empêcher de sourire de cette réponse.

* Dimanche, 7 décembre 1823.

Je demandai à Goethe comment il se trouvait : « Je ne suis pas aussi mal que Napoléon sur son île ! » dit-il en soupirant. Son état maladif, à mesure qu’il se prolonge, semble peu à peu l’affecter beaucoup.

* Dimanche, 21 décembre 1823.

Goethe avait retrouvé aujourd’hui toute sa bonne humeur. Nous avons atteint le jour de l’année le plus court, et l’espérance de voir maintenant chaque semaine les jours augmenter rapidement, semble exercer sur lui l’influence la plus heureuse : « Aujourd’hui nous célébrons la naissance nouvelle du soleil ! » s’écria-t-il joyeusement en me voyant entrer ce matin chez lui. J’ai appris que, tous les ans, il passe les semaines qui précèdent le jour le plus court dans un état d’affaissement et de tristesse[1].

  1. Goethe, le poëte néo-païen, l’adorateur de la vie et de la lumière, l’amant de la terre parée de fleurs, sent ses forces s’en aller avec le soleil disparaissant. La fin de l’année est pour lui une saison d’accablement, de mort intérieure. — Écoutez, au contraire, Lamartine, le poëte élégiaque chrétien dont la pensée se plaît à quitter la terre, il dira : « L’heure du chant pour moi, c’est la fin de l’automne ; ce sont les derniers jours de l’année qui meurt dans les brouillards et dans les tristesses du vent… » — Chaque poëte