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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/149

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qu’un qui a servi sous Napoléon, et qui, avec lui, a ébranlé le monde, rien ne semble impossible. Charlemagne a eu déjà cette idée, et il en avait commencé l’exécution, mais l’entreprise s’est bientôt arrêtée ; les terrains ne tenaient pas ; les parois du canal s’écroulaient à mesure[1]. »

Lundi. 22 mars 1824.

Avant dîner je suis allé en voiture avec Goethe à son jardin. Par sa situation au delà de l’Ilm, dans le voisinage du parc, sur la pente occidentale d’une rangée de collines, ce jardin a quelque chose d’aimable et d’attrayant. Protégé contre les vents du nord et de l’est, il est ouvert aux chaudes et bienfaisantes exhalaisons qui viennent du sud et de l’ouest ; il offre ainsi, surtout en automne et au printemps, un séjour très-agréable. On est si près de la ville, qui s’étend au nord-ouest, que l’on peut y arriver en quelques minutes, et cependant, quand on regarde autour de soi, on ne voit s’élever dans les environs aucun édifice, aucun sommet de tour, pouvant rappeler le voisinage de la ville. Les arbres du parc, grands et serrés, arrêtent toute vue de ce côté. Ils se prolongent à gauche, vers le nord, formant ce qu’on appelle l’Étoile ; à côté est le chemin de voitures, qui passe tout à fait devant le jardin. Vers l’ouest et le sud-ouest le regard s’étend librement sur une vaste prairie à travers laquelle, à la distance d’un bon trait d’arbalète, l’Ilm coule en replis silencieux. Au delà de la rivière, le rivage s’élève de nouveau en collines ; leurs pentes et leurs hauteurs sont couvertes des verts ombrages et du feuillage varié des grands aunes, des chênes,

  1. Sous le roi Louis de Bavière, cette œuvre a été accomplie (1845).