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des peupliers blancs et des bouleaux, dont est planté le parc. Cette verdure s’étend bien au delà et va au loin, vers le sud et vers le couchant, former un horizon harmonieux. L’aspect du parc au delà de la prairie ferait croire, surtout en été, que l’on est près d’un bois qui se prolongerait pendant des lieues entières. On croit à chaque instant que l’on va voir apparaître sur la prairie un cerf ou un chevreuil. On se sent plongé dans la paix profonde d’une nature solitaire, car le silence absolu n’est interrompu que par les notes isolées des merles qui alternent avec le chant d’une grive des bois. Mais on est tiré de ce rêve de solitude par l’heure qui vient à sonner à la tour, ou par le cri des paons du parc, ou par les tambours et les clairons qui retentissent à la caserne. Ces bruits ne sont pas désagréables ; ils nous remettent en mémoire que nous sommes près de notre ville, dont nous nous croyions éloignés de cent lieues. À certaines heures du jour, dans certaines saisons, ces prairies ne sont rien moins que solitaires. On voit passer tantôt des paysans qui vont à Weimar au marché ou qui en reviennent, tantôt des promeneurs de tout genre, qui, suivant les sinuosités de l’Ilm, se dirigent surtout vers OberWeimar, petit village très-fréquenté à certains jours[1]. Puis le temps de la moisson donne à cette place la plus vive animation. Dans les intervalles on y voit venir paître des troupeaux de moutons et même les magnifiques vaches suisses de la ferme voisine. Aujourd’hui cependant, il n’y avait encore aucune trace de ces spectacles qui l’été nous rafraîchissent

  1. Beaucoup d’habitants de Weimar s’y rendent, surtout après leur diner, vers deux heures, pour y prendre leur café, et à toute heure pour y boire de la bière.