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cer. Il cause avec moi un certain temps, et cela très-joliment, puis, près de prendre congé, il me fait une demande assez originale. Il me demande de prêcher à ma place le dimanche suivant. Je vis tout de suite ce qu’il en était, et que ce charmant jeune homme prononçait le g comme le k. Je lui répondis d’un ton très-aimable que je regrettais de ne pouvoir faire ce qu’il désirait, mais qu’il obtiendrait sûrement sa demande s’il voulait bien s’adresser à M. l’archidiacre Kœthe. »

Mardi, 18 mai 1824.

J’ai passé la soirée chez Goethe avec Riemer. Goethe nous a parlé d’une poésie anglaise qui a la géologie pour sujet[1]. Il nous en a fait en causant une traduction improvisée avec tant d’esprit, d’imagination et de bonne humeur, que chaque détail apparaissait vivant devant les yeux, comme si tout eût été trouvé par lui-même dans le moment. On voyait le héros du poëme, le roi Charbon, assis sur son trône dans une splendide salle d’audience ; son épouse, Pyrite, est à ses côtés ; ils attendent les grands de la cour. Ils entrent et sont présentés peu à peu, par ordre : le duc Granit, le marquis Ardoise, la comtesse Porphyre, etc., qui tous étaient caractérisés par des épithètes frappantes et par des mots comiques. On voit sir Laurent Calcaire, homme fort riche, que l’on souffre à la cour. Il présente les excuses de sa mère lady Marbre, dont la demeure est un peu éloignée, on la cite comme une dame fort polie et qui a le frottement du monde. Peut-être ne vient-elle pas au-

  1. King Coal’s Levee, or geological Etiquette, by John Scafe. Goethe a donné de ce poëme une analyse détaillée dans ses œuvres scientifiques.