Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/170

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jourd’hui à cause d’une intrigue amoureuse qu’elle entretient avec Canova, qui la flatte et la caresse beaucoup. Le seigneur Tuf, avec sa chevelure ornée de lézards et de poissons, avait l’air un peu ivre. Jean Marne et Jacob Argile n’arrivent que vers la fin. Ce dernier est très-aimé de la reine, parce qu’il lui a promis une collection de coquillages. La peinture se prolongeait ainsi fort longtemps, mais il y a trop de détails pour que je me les rappelle tous. « Un tel poëme, a dit Goethe, ne cherche qu’à amuser les gens du monde, mais en répandant en même temps une foule de connaissances utiles qui, à vrai dire, ne devraient manquer à personne. On inspire ainsi, dans les meilleures compagnies, le goût pour les sciences, et on ne sait pas tout le bien qui peut résulter d’une plaisanterie de ce genre. Plus d’un esprit bien fait sera peut-être poussé à faire sur ce qui l’entoure des remarques personnelles, et les observations sur les objets naturels les plus simples qui nous entourent ont souvent d’autant plus de prix qu’elles ne sont pas faites par un homme du métier.

— Vous semblez penser que, plus on sait, plus on observe mal.

— « Oui, certes, répondit Goethe, si la science que vous possédez par tradition est mêlée d’erreurs. Dans la science, dès que l’on appartient à une certaine secte étroite, adieu à toute vue simple et calme. Le Vulcanien décidé ne verra qu’à travers les lunettes du Vulcanien, pendant que le Neptunien, ou le partisan nouveau de la théorie des soulèvements[1] ne verra qu’à travers les siennes ;

  1. Goethe ne l’admettait pas, parce qu’il la croyait en contradiction avec les procédés habituels de la nature, qui ne fait rien brusquement, et dont la marche est lente, continue, éternelle : Non natura per saltus. Même