Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ans que je m’occupe de la langue et de la littérature anglaises, aussi je connais très-bien les écrivains, la vie et l’organisation de votre pays. Si j’allais en Angleterre, je ne serais pas un étranger. Mais, comme je vous le disais, vos jeunes compatriotes font bien maintenant de venir chez nous et d’apprendre notre langue. Notre littérature le mérite par elle-même, et, de plus, on ne peut nier que celui qui sait bien l’allemand peut se passer de beaucoup d’autres langues. Je ne parle pas du français ; c’est la langue de la conversation, et surtout en voyage elle est indispensable, parce que tout le monde la comprend et que, dans tous les pays, elle rend les services d’un bon interprète. Mais pour le grec, le latin, l’italien, l’espagnol, nous pouvons lire les principaux ouvrages de ces nations dans des traductions allemandes si bonnes que nous n’avons pas de raisons, à moins d’un but tout particulier à atteindre, pour perdre beaucoup de temps à l’étude pénible de ces langues. Il est dans la nature allemande de savoir apprécier, chacune dans leur genre, les œuvres nées au dehors, et de savoir se prêter à l’originalité étrangère. Ceci, joint à la grande flexibilité de notre langue, rend les traductions allemandes d’une fidélité et d’une perfection absolues. Et il ne faut pas se cacher que l’on va très-loin déjà avec une bonne traduction. Frédéric le Grand ne savait pas du tout le latin, mais il lisait son Cicéron dans la traduction française aussi bien que nous autres dans l’original. »

L’entretien roula ensuite sur le théâtre, et Goethe demanda à M. H… s’il y allait souvent. « J’y vais chaque fois que l’on joue, répondit celui-ci, et je trouve que l’on y gagne beaucoup pour comprendre la langue. » — « Il est curieux de voir, répliqua Goethe, comme l’oreille, et en