Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brûlaient sur une table, mais Goethe n’était pas là ; nous l’entendions parler dans la pièce voisine. M. H…, en regardant autour de lui, remarqua, outre des tableaux et une grande carte orographique suspendus aux murs, un casier plein de cartons ; je lui appris que là étaient renfermés de nombreux dessins de grands maîtres et des gravures des plus célèbres tableaux de toutes les écoles, que Goethe a, dans le cours de sa vie, réunis peu à peu et dont la contemplation fréquente lui offre des distractions certaines.

Après quelques minutes d’attente, Goethe entra et nous fit un bonjour amical. « Je peux, dit-il à M. H…, vous parler sans façon en allemand, car je sais que vous êtes déjà, de votre côté, très à votre aise dans notre langue. » M. H… répondit en souriant quelques paroles, et Goethe nous pria de nous asseoir. Le caractère de M. H… dut faire une bonne impression sur Goethe, car sa parfaite amabilité, sa douce sérénité se sont aujourd’hui montrées à cet étranger dans toute leur vraie beauté. « Vous avez bien fait, lui a-t-il dit, pour apprendre l’allemand, de venir chez nous, ici, où vous n’apprenez pas seulement la langue avec facilité et rapidité, mais où vous pouvez aussi voir sur quels éléments elle repose ; notre sol, notre climat, notre manière de vivre, nos mœurs, nos relations sociales, notre constitution ; votre esprit emportera tout cela en Angleterre. » — « On s’intéresse maintenant beaucoup en Angleterre à la langue allemande, répondit M. H…, elle s’y répand chaque jour davantage, et il n’y a guère de jeunes Anglais de bonne famille qui n’apprennent pas l’allemand. » — « Nous autres Allemands, nous vous avons pourtant sur ce point précédés d’un demi-siècle, dit Goethe en souriant ; voilà cinquante