Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/194

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que lord Byron cite, dit Goethe, je ne les avais, pour la plupart, pas même lues, et j’y ai encore moins pensé, quand j’ai fait le Faust. Mais lord Byron n’est grand que lorsqu’il écrit ses vers ; dès qu’il veut raisonner, c’est un enfant. Aussi il ne sait pas se défendre contre les sottes attaques, précisément du même genre, qui lui ont été faites dans son propre pays ; il aurait dû prendre un langage bien plus énergique. « Ce qui est là m’appartient ! aurait-il dû dire ; que je l’aie pris dans la vie ou dans un livre, c’est indifférent ; il ne s’agissait pour moi que de savoir bien l’employer ! » Walter Scott s’est servi d’une scène de mon Egmont, il en avait le droit ; il l’a fait avec intelligence, il ne mérite que des éloges. Il a aussi, dans un de ses romans, imité le caractère de ma Mignon ; avec autant de sagacité ? c’est une autre question. Le Diable métamorphosé[1] de lord Byron est une suite de Méphistophélès, c’est fort bien ! Si par une fantaisie d’originalité, il avait voulu s’en écarter, il aurait été obligé de faire plus mal. Mon Méphistophélès chante une chanson de

    que je connais de ce drame est une assez mauvaise traduction française et une ou deux scènes traduites en anglais par Monk-Lewis, et qu’il me lut à Diodati ; je dois ajouter la scène de la montagne du Hartz, que Shelley a traduite en vers ces jours derniers. Je ne lui envie rien tant que de pouvoir lire cette étonnante production dans l’original. À propos d’originalité, Goethe a trop de sens pour prétendre ne rien devoir aux auteurs anciens et modernes. Qui est-ce qui, au fait, ne leur a point des obligations ? Vous me dites que l’intrigue de Faust est presque tout entière de Calderon. La vision du Faust de Goethe ressemble assez à celle de Marlow. La scène du lit est dans Cymbeline. La chanson ou la sérénade est une traduction de celle d’Ophelia dans Hamlet. Enfin le prologue est de Job, qui est le premier drame du monde et peut-être le poëme le plus ancien… J’aurai bien assez de commentateurs qui disséqueront mes pensées et qui trouveront des gens à qui elles appartiennent. » (Conversations de lord Byron avec Medwin, traduites par M. A. Pichot, Paris, 1824), Voyez encore même ouvrage, 2e vol., pages 47, 101, 118.

  1. Dans la Métamorphose du bossu.