Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/197

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bleau riche et varié de la vie qui passe devant nos yeux pouvait se suffire à lui-même, sans qu’il fût nécessaire de donner à ce tableau une intention qui, d’ailleurs, n’intéresse jamais que l’intelligence. Si cependant on veut absolument connaître le but du roman, que l’on s’en tienne aux paroles que Frédéric adresse à la fin à notre héros : « Tu me rappelles Saül, le fils de Cis, qui sortit pour chercher les ânesses de son père et qui trouva un royaume. » Que l’on s’en tienne là. Car au fond tout cet ensemble ne semble vouloir dire rien autre chose si ce n’est que, malgré toutes ses sottises et tous ses égarements, l’homme, conduit par une main supérieure, arrive cependant heureusement au but. »

On parla ensuite du grand nombre d’idées civilisatrices qui, dans les cinquante dernières années, s’étaient en Allemagne répandues dans les classes moyennes, et Goethe en attribua le mérite moins à Lessing qu’à Herder et à Wieland. « Lessing, dit-il, était une intelligence du plus haut rang, et il fallait être à son niveau pour apprendre vraiment de lui ; à une demi-intelligence il était dangereux. » Il nomma un journaliste qui s’était formé sur Lessing et qui, à la fin du siècle dernier, a joué un rôle peu honorable, parce qu’il n’avait pu suivre son modèle que de loin. « C’est à Wieland, dit Goethe, que toute l’Allemagne du Nord doit son style. Elle a beaucoup appris de lui ; et la facilité de s’exprimer avec justesse n’est pas ce qu’elle a appris de moindre. »

En parlant des Xénies, Goethe vanta surtout celles de Schiller ; « elles étaient, dit-il, acérées et frappaient fort : les miennes au contraire, étaient innocentes et faibles. Le Cercle des animaux, qui est de Schiller, n’est jamais lu par moi sans admiration. Les bons effets qu’elles ont