Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/222

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acte, un vaudeville, une opérette, puis un air, un duo, le final d’un opéra favori, et vous serez déjà suffisamment satisfaits. Il faut seulement traverser passablement avril ; en mai, vous avez déjà les chanteurs des bois. Dès le commencement des mois d’été, vous aurez pour spectacle la reconstruction d’une nouvelle salle. — Cet incendie est pour moi un événement bien curieux, car je vous dirai que pendant les longs soirs de cet hiver je me suis occupé avec Coudray à tracer le dessin d’un beau théâtre nouveau, convenable pour Weimar. Nous avions fait venir le plan et la coupe des principaux théâtres allemands ; nous avons emprunté les dispositions qui nous paraissent les meilleures, écarté ce que nous jugions fautif, et nous sommes ainsi arrivés à un plan qui pourra se laisser regarder. Dès que le grand-duc aura donné son approbation, on pourra donc commencer immédiatement les travaux ; et ce n’est pas un petit bonheur que ce désastre nous ait trouvés, par un singulier hasard, si bien préparés. » Nous accueillîmes avec joie l’heureuse nouvelle que Goethe nous donnait, et il continua : « Dans l’ancienne salle, les premières étaient réservées à la noblesse, les secondes étaient pour les ouvriers et les domestiques[1] ; mais la haute bourgeoisie riche était souvent très-embarrassée, car, à certains jours, le parterre était rempli par les étudiants[2], et il ne restait

  1. Depuis 1848 seulement les premières places sont accessibles à tout le monde. Ce petit fait montre combien les mœurs allemandes sont encore féodales. Noble et bourgeois sont des mots qui, au delà du Rhin, ont toujours un sens.
  2. Les étudiants de Iéna viennent quelquefois au théâtre à Weimar. Une vieille tradition les autorise à accompagner en chœur dans la salle le Chant des Brigands (acte IV, scène v). Aussi, lorsque l’on joue les Brigands de Schiller, ils ne manquent jamais cette représentation. La ville de Weimar, d’ordinaire si paisible, a, ces jours-là, une animation