Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/24

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celui-ci voulait faire, de ce qu’il aurait fait, de ses intentions, de tout ce qui se rattache à son souvenir : il est le plus intéressant et le plus aimable des hommes.

« Il a une conscience naïve de sa gloire qui ne peut déplaire, parce qu’il est occupé de tous les autres talents et si véritablement sensible à tout ce qui se fait de bon, partout et dans tous les genres. À genoux devant Molière et la Fontaine, il admire Athalie, goûte Bérénice, sait par cœur les chansons de Béranger, et raconte parfaitement nos plus nouveaux vaudevilles. À propos du Tasse, il prétend avoir fait de grandes recherches et que l’histoire se rapproche beaucoup de la manière dont il a traité son sujet. Il soutient que la prison est un conte. Ce qui vous fera plaisir, c’est qu’il croit à l’amour du Tasse et à celui de la princesse ; mais toujours à distance, toujours romanesque et sans ces absurdes propositions d’épouser qu’on trouve chez nous dans un drame récent… »

N’oublions pas que la lettre est adressée à madame Récamier, favorable à tous les beaux cas d’amour et de délicate passion.

Je n’ai point à entrer ici dans l’analyse de ces Entretiens qu’on va lire. Je dirai seulement que leur lecture complète m’a fait avancer d’un degré dans la connaissance de Goethe. Grâce à ces échanges continuels, à ces témoignages de voyageurs amis, nous étions dès longtemps initiés sans doute ; nous avions fini par nous bien rendre compte de cette profonde, imposante et sereine figure, et nous la placions à son rang. Je demande à reproduire un jugement qui est moins le mien en particulier, que celui des hommes distingués avec qui j’avais mainte fois causé de Goethe : ce jugement, écrit il y a quelques années, me paraît encore vrai sur tous les points, moins un seul, et c’est