Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

milliers de félicitations me sont arrivées, et je n’ai pas encore fini avec les lettres de remercîment. On n’aime pas à être creux et banal, on veut dire à chacun quelque chose de convenable et d’approprié à sa personne. Mais je vais devenir maintenant un peu plus libre, et je me sens de nouveau disposé à causer.

« J’ai fait ces jours-ci une remarque que je veux vous communiquer. Tout ce que nous faisons a une conséquence ; mais un acte juste et sage n’a pas toujours une conséquence favorable ; de même qu’une action à contresens n’amène pas toujours des suites fâcheuses ; très-souvent, c’est tout le contraire qui arrive. Il y a quelque temps, précisément dans ces traités avec les libraires, j’avais fait une faute, et j’étais fâché de l’avoir faite. Mais les circonstances ont tellement tourné que cela aurait été une grande faute de ne pas avoir fait cette faute. De pareils faits se répètent souvent dans la vie ; aussi les hommes du monde, qui ne l’ignorent pas, vont à l’œuvre avec une grande hardiesse et une grande assurance. »

Cette remarque me parut neuve. Nous parlâmes alors de ses œuvres, et nous en vînmes à son élégie Alexis et Dora[1]. « Dans ce poëme, dit-il, on a blâmé la conclusion, fortement passionnée, et on demandait que l’élégie se terminât avec calme et douceur, sans ce bouillonnement de jalousie ; mais je ne peux trouver cette critique juste. La jalousie est si proche de l’amour, elle est là si naturelle, qu’il manquerait quelque chose au poëme si elle n’apparaissait pas. J’ai connu même un jeune homme,

    liciter. La ville avait illuminé, et le bourgmestre lui avait apporté un diplôme donnant à tous ses descendants le droit de bourgeoisie, etc. Enfin, comme Voltaire en 1778, il avait été « étouffé sous les roses. »

  1. Poésies, traduites par M. Blaze de Bury, p. 196.