Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/262

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autre chose que ce qu’il sait. Je ne cite ce dilemme que comme un exemple du peu que nous savons, et pour montrer qu’il n’est pas bon de toucher aux secrets divins.

« Aussi nous ne devons exprimer parmi les vérités les plus hautes que celles qui peuvent servir au bien du monde. Les autres, nous devons les garder en nous, mais semblables aux douces lueurs d’un soleil caché, elles peuvent répandre et elles répandront leur éclat sur ce que nous faisons [1]. »

Dimanche, 25 décembre 1825.

Ce soir, vers six heures, je suis allé chez Goethe, que j’ai trouvé seul et avec qui j’ai passé quelques belles heures. « Depuis quelque temps, me dit-il, j’ai l’âme surchargée ; tant de biens m’arrivent de tant de côtés, que je passe mon temps en remercîments et que je ne peux vraiment vivre. Chaque gouvernement allemand tour à tour m’annonce qu’il m’a accordé un privilège pour l’édition de mes œuvres, et comme pour chaque gouvernement la situation est différente, il me faut faire une réponse différente ; puis sont venues les propositions d’innombrables libraires, qui demandaient examen, discussion, réponses ; puis à l’occasion de mon Jubilé[2], des

  1. Comparer un passage de l’entretien du 18 mars 1831.
  2. Le 7 novembre 1825 avait été célébré le cinquantième anniversaire de l’arrivée de Goethe à Weimar. Il avait reçu une foule de riches cadeaux ; les facultés de philosophie, de médecine, voire même de théologie, lui avaient envoyé des diplômes de docteur. « Comme créateur d’un nouvel esprit dans la science et dans la vie, disait la dédicace de cette dernière faculté, comme souverain dans le royaume des libres et énergiques pensées, vous avez puissamment servi les vrais intérêts de l’Eglise et de la théologie évangélique. » — Le grand-duc lui fit hommage d’une médaille portant sur une face son propre portrait et celui de la grande-duchesse Louise, sur l’autre face le portrait de Goethe couronné de lauriers. Des députations de toute espèce étaient venues le fé-