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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/279

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défauts de convenance. Quelle peine ne me suis-je pas donnée avec mon Gœtz de Berlichingen ; eh bien, ce n’est pas une vraie pièce pour le théâtre. C’est trop vaste ; il m’a fallu la partager en deux parties : la dernière a bien l’effet théâtral, mais la première ne peut être considérée que comme une exposition. Si l’on voulait donner une seule fois la première partie, pour montrer la marche du sujet, puis ne plus jouer ensuite que la seconde partie, cela pourrait aller. Il en est de même pour Wallenstein ; il ne faut pas jouer deux fois les Piccolomini, mais on revoit toujours avec plaisir la Mort de Wallenstein. »

Je lui demandai comment devait être une pièce pour être théâtrale.

« Il faut qu’elle soit symbolique, c’est-à-dire que chaque situation doit être importante par elle-même, et en même temps ouvrir une perspective sur une situation plus importante. Le Tartuffe de Molière est à ce point de vue un grand modèle. Pensez seulement à la première scène, quelle exposition ! Tout est intéressant dès le commencement, et fait pressentir des événements plus graves. L’exposition de Minna de Barnhelm de Lessing est aussi excellente, mais celle de Tartuffe est unique dans le monde ; c’est ce qui existe de plus grand et de meilleur en ce genre. »

Nous fûmes conduits aux pièces de Caldéron :

« Chez Caldéron, dit Goethe, vous trouvez la même perfection théâtrale. Ses pièces sont toutes prêtes à monter sur les planches ; il n’y a pas un trait qui ne soit calculé en vue de cet effet. Caldéron est le poëte qui a eu avec son génie le plus d’intelligence. »

« — Il est singulier, dis-je, que les pièces de Shakspeare ne soient pas de vraies pièces pour le théâtre,