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dit, sont des gens du monde enjoués, nets, hardis au suprême degré. Ils ont une manière de blâmer fine et galante ; au contraire, nos savants allemands croient toujours qu’il faut se dépêcher de haïr celui qui ne pense pas comme nous. Je mets le Globe parmi les journaux les plus intéressants, et je ne pourrais pas m’en passer. »

Mercredi, 26 juillet 1826.

Ce soir j’ai eu le bonheur de recueillir beaucoup d’idées de Goethe sur le théâtre. Je lui disais qu’un de mes amis avait l’intention d’arranger pour la scène les Deux Foscari de Byron ; il doutait du succès, et il dit : « C’est là une séduction trompeuse, en effet. Quand nous lisons une pièce, et qu’elle produit sur nous un grand effet, nous croyons que cet effet serait le même sur la scène, et nous nous imaginons que nous pourrons facilement l’y adapter. Mais il y a quelque chose de bizarre : une pièce que le poëte à l’origine n’a pas écrite en la destinant à la scène n’y voudra pas monter, et, quels que soient les moyens que l’on emploie, elle résistera toujours par des

    les lis et relis au commencement, à la fin, partout. Les derniers numéros m’ont été utiles en me servant d’introduction aux intéressantes leçons de M. Cousin ; j’ai vu clairement à quel moment, de quelle manière, et dans quel but ces leçons ont été prononcées. Un article (de M. Ampère) sur la traduction de mon théâtre m’a fait grand plaisir. Je vois maintenant ces pièces d’un tout autre œil qu’au temps où je les ai écrites, et il est pour moi bien intéressant de constater l’effet qu’elles produisent sur une nation étrangère, et dans une époque dont les idées sont tout autres. Mais ce qui me plaît surtout c’est le ton sociable de tous ces articles : on voit toutes ces personnes penser et parler au milieu d’une compagnie nombreuse ; au contraire, en Allemagne, on reconnaît à la parole du meilleur d’entre nous qu’il vit dans la solitude, et toujours c’est une seule voix que l’on entend. » — Plusieurs des articles du Globe sur la littérature allemande, traduits par Goethe, furent publiés dans sa revue, l’Art et l’Antiquité.