Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/290

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petit bâton de l’autre côté de la bougie, entre elle et la fenêtre, que voyez-vous ? » — « Encore une ombre. » — « Mais de quelle couleur ? » — « Jaune orangée ; quelle est donc la cause de ce double phénomène ? » — « Ceci est votre affaire ; cherchez à l’expliquer. Il y a une explication, mais elle est difficile à trouver. Ne regardez pas dans ma Théorie des couleurs avant d’avoir perdu l’espoir de la trouver par vous-même. » Je le promis avec plaisir. « Je veux maintenant vous montrer sur de plus grandes proportions le phénomène que vous avez observé à la partie inférieure de la flamme d’une bougie, lorsqu’un objet clair et transparent, en se trouvant devant l’obscurité, produit la couleur bleue. » Il prit une cuiller, la remplit d’esprit de vin qu’il enflamma. Il produisait ainsi un corps transparent et clair, à travers lequel l’obscurité prenait une teinte bleue. En tournant l’esprit enflammé vers une partie sombre, le bleu devenait plus foncé ; en le tournant du côté du jour, le bleu s’affaiblissait ou disparaissait entièrement.

« Tout se passe de même, dit Goethe, dans la nature, qui est si simple, et qui répète toujours en petit ses plus grands phénomènes. La loi qui donne au ciel sa couleur bleue se vérifie dans la flamme d’une bougie, dans de l’esprit de vin enflammé, dans la fumée qui s’élève au-dessus d’un village, et qui se détache sur un fond obscur de montagnes.

« — Comment les disciples de Newton expliquent-ils ce phénomène très-simple ? demandai-je.

« — Vous ne devez pas le savoir, c’est par trop niais, et on ne comprend pas assez tout le dégât qu’amène dans une tête bien faite l’admission d’une sottise. Ne vous occupez pas des Newtoniens, contentez-vous de la vraie théorie, et