Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/291

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vous vous en trouverez bien. S’occuper du faux est peut-être en ce genre aussi désagréable et aussi nuisible que d’être obligé d’étudier une mauvaise tragédie pour en éclairer toutes les parties et en exposer les côtés faibles. C’est ici absolument de même, et il ne faut pas s’occuper de pareilles choses sans nécessité. J’honore les mathématiques comme la science la plus élevée et la plus utile, tant qu’on l’emploie là où elle est à sa place ; mais je ne peux approuver qu’on en fasse abus en dehors de son domaine, et là où la noble science semble une niaiserie. Comme si un objet n’existait que si l’on peut le prouver par les mathématiques ! Ne serait-il pas fou celui qui ne voudrait croire à l’amour de son amante que si elle peut le lui prouver mathématiquement ! Elle lui prouvera mathématiquement sa dot, mais non son amour. Ce ne sont pas non plus les mathématiciens qui ont trouvé la métamorphose des plantes ! Je suis venu à bout de tout sans mathématiques, et il a bien fallu que les mathématiciens cependant en reconnaissent la valeur. Pour comprendre les phénomènes de la Théorie des couleurs, il ne faut rien de plus qu’une observation nette et une tête saine ; mais ce sont deux choses plus rares qu’on ne croit. »

« — Comment parle-t-on maintenant en France et en Angleterre de la Théorie des couleurs ? »

« — Les deux nations ont leurs qualités et leurs défauts. Ce qu’il y a de bon chez les Anglais, c’est qu’ils agissent toujours d’une façon pratique, mais ce sont des pédants. Les Français sont des têtes bien faites, mais tout chez eux doit être positif, et ce qui ne l’est pas, ils le rendent tel. Cependant pour la théorie des couleurs, ils sont en bonne voie, et un de leurs meilleurs esprits s’en rapproche de très-près. Il dit : « La couleur est dans les