Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/309

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fections de forme. Un autre jour, vous l’examinerez à loisir. »

Le dîner fut très-gai. Le chancelier communiqua une lettre d’un homme considérable de Paris, qui, au temps de l’occupation française, avait rempli ici comme ambassadeur des fonctions difficiles, et qui, depuis ce temps, avait conservé avec Weimar des relations amicales. Il parlait du grand duc et de Goethe, disant que Weimar était une ville heureuse, puisque le génie y était en si étroite intimité avec la puissance suprême. Madame de Goethe savait donner beaucoup de grâce à l’entretien. On parla de quelques emplettes, à propos desquelles elle railla le jeune Goethe, qui prétendait ne pas s’y entendre. « Il ne faut pas, dit Goethe, trop permettre aux belles dames, car leurs désirs deviennent bien vite infinis. Napoléon à l’île d’Elbe a encore reçu et dû payer des notes de modistes. Cependant, sur ce point, il faisait plutôt trop que trop peu. Un jour, aux Tuileries, on présentait à sa femme en sa présence des objet de mode d’un prix élevé. Comme Napoléon ne faisait pas une figure d’acheteur, le marchand lui fit entendre qu’il était trop peu généreux pour sa femme. Napoléon ne lui répondit pas une parole, mais il le regarda avec des yeux tels que le marchand serra vite sa marchandise et ne se fit plus voir. » — « Était-il consul quand il a fait cela, demanda madame de Goethe. » — « Il était vraisemblablement empereur, car autrement son regard n’aurait pas paru si effrayant. Mais je ris de cet homme qui emporte le regard, et qui se croit sans doute déjà exécuté ou fusillé. »

Nous causions très-gaiement, la conversation se continua sur Napoléon, et le jeune Goethe dit : « Je voudrais posséder tous ses exploits reproduits en tableaux ou en