Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/328

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agir pendant de longues années et y faire naître, y éprouver des destinées de toute nature.

« Je trouvais toujours de petites corrections à faire, dit-il, mais maintenant il faut enfin que cela finisse, et je suis content de voir le manuscrit partir pour la poste : je vais pouvoir tourner d’un autre côté mon âme délivrée. Qu’Hélène obéisse désormais à ses destins ! Ce qui me rassure, c’est que la civilisation est aujourd’hui en Allemagne arrivée à un degré si incroyablement élevé, que l’on n’a pas à craindre qu’une pareille production reste longtemps incomprise et sans action. » — « Là se trouve enfermée, dis-je, toute une antiquité. » — « Oui, les philologues y trouveront de l’occupation. » — « Pour la partie antique, je n’ai pas de craintes, dis-je, car tout y est grandement détaillé, chaque fait est développé à fond, et chaque chose dit explicitement ce qu’elle a à dire. Mais la partie moderne, romantique est bien difficile, car là est renfermée une moitié d’histoire universelle, et, dans un si grand sujet, tout est allusions et indications pures ; tout exige beaucoup du lecteur. » — « Oui, dit Goethe, mais tout est représenté d’une façon frappante pour les sens, et ce sera sur un théâtre un spectacle agréable à tous les yeux. Je n’ai pas voulu aller plus loin. Il faut que la foule des spectateurs fasse son plaisir du fait représenté ; aux initiés à comprendre le sens élevé de ce fait, et ils le saisiront comme ils le saisissent dans la Flûte enchantée et dans d’autres œuvres. » — « Ce sera, dis-je, une impression toute nouvelle de voir sur la scène une pièce qui commence en tragédie et finit en opéra. Ce n’est pas une petite difficulté que de jouer ces personnages dans toute leur grandeur, et de prononcer ces vers et ces discours sublimes. »

— « Pour la première partie, dit Goethe, ce sont les pre-