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AVANT-PROPOS

DE LA PREMIÈRE PARTIE DES CONVERSATIONS
PUBLIÉE EN 1835 —

Cette collection de causeries et d’entretiens avec Goethe doit surtout son origine au penchant naturel que j’ai toujours eu pour m’approprier, par un compte rendu écrit, tout ce qui, dans les événements de ma vie, me semble avoir une certaine valeur, un certain intérêt.

De plus j’ai toujours eu la soif d’apprendre, je l’avais au temps où je rencontrai pour la première fois cet homme extraordinaire, et je la conservai même après avoir vécu des années avec lui ; aussi c’était avec bonheur que je m’emparais des pensées que renfermaient ses paroles, et que je les notais afin d’en être le possesseur pour le reste de ma vie.

Cependant, lorsque me rappelant la multitude immense d’idées qu’il a prodiguées devant moi pendant l’espace de neuf ans, je viens à considérer le petit nombre d’entre elles que j’ai pu rassembler et écrire, il me semble que je suis comme un enfant, qui, pendant une pluie rafraîchissante du printemps, cherche à recevoir dans le creux de ses mains une partie des gouttes qui tombent, et qui les voit presque toutes s’enfuir entre ses doigts.

On dit souvent : Il y a une fatalité pour les livres ; ce mot peut s’appliquer aussi bien à la manière dont les livres naissent