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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/376

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a ainsi soutenu le contraire de tout principe, on a pour résultat le doute, qui constitue entre les deux idées la vérité. Mais on ne peut pas persévérer dans le doute ; il est dans l’esprit un excitant à l’examen, à des expériences nouvelles, et si ces expériences sont parfaitement conduites, elles ont pour résultat la certitude, terme dernier dans lequel l’homme trouve son plein repos. Vous voyez que rien ne manque à cette doctrine ; avec tous nos systèmes nous ne sommes pas allés plus loin, et personne d’ailleurs ne peut aller plus loin. » — « Cela me rappelle les Grecs, dis-je alors, dont la méthode d’enseignement philosophique doit avoir été semblable ; leur tragédie nous le prouve ; la marche de l’action repose dans son essence entièrement sur l’opposition des contraires ; aucun des personnages ne peut avancer une opinion sans que l’opinion contraire ne soit soutenue avec autant de vraisemblance par un autre personnage. »

« Vous avez parfaitement raison, et on y retrouve aussi le doute éveillé dans l’esprit du spectateur ou du lecteur, jusqu’à ce qu’enfin, au dénouement, le sort nous donne la certitude, qui se rattache à la morale et défend sa cause. »

Nous nous levâmes de table, et Goethe m’emmena avec lui dans le jardin pour continuer notre conversation. « Il est curieux, dis-je, de voir comment Lessing, dans ses écrits théoriques, dans le Laocoon par exemple, ne marche jamais droit vers un résultat, mais nous fait faire cette course philosophique à travers les deux opinions contraires, puis à travers le doute, jusqu’à ce qu’enfin il nous fasse parvenir à une espèce de certitude. Nous assistons au travail de la pensée et de la découverte, plutôt