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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/394

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pouvait naître quelque chose !… Mais comme tout, au contraire, semble pauvre chez nous autres Allemands ! Nos vieilles chansons sont aussi remarquables. Qu’est-ce qui en survivait encore dans le vrai peuple, lorsque j’étais jeune ? Herder et ses successeurs ont dû commencer par les rassembler pour les arracher à l’oubli ; au moins on les posséda alors imprimées dans les bibliothèques. Et plus tard, que de chansons écrites par Bürger et Voss ! Qui pourrait prétendre qu’elles étaient inférieures à celles de l’excellent Burns, ou moins faites pour le peuple ? Cependant, quelles sont celles qui ont pris vie dans le peuple ? quelles sont celles que ses lèvres nous renvoient ? Elles sont écrites, elles sont imprimées, elles restent dans les bibliothèques, et ont le sort commun à tous les poëtes allemands. — De mes chansons, à moi, qu’est-ce qui vit encore ? Une jolie fille à son piano en chantera bien une ou deux ; mais dans le vrai peuple, silence absolu. Quels sentiments m’inspire la pensée de ce temps où les pêcheurs italiens chantaient des strophes du Tasse ! — Nous, Allemands, sommes d’hier. Depuis un siècle, il est vrai, nous avons fait un sérieux progrès en civilisation ; mais quelques siècles passeront encore avant que nos paysans aient assez d’idées et un esprit d’une culture assez élevée pour rendre hommage à la beauté comme les Grecs, pour s’enthousiasmer en écoutant une jolie chanson, pour qu’enfin on puisse dire d’eux : C’étaient alors des barbares, mais il y a longtemps ! »

Vendredi, 4 mai 1827.

Grand dîner chez Goethe en l’honneur d’Ampère et de son ami Stapfer. La conversation a été vive, gaie, variée. Ampère a beaucoup parlé à Goethe de Mérimée, d’Alfred