Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/413

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glais qu’il lisait à mon arrivée, je pris le volume de romans allemands, traduits par Carlyle, contenant Musæus et Fouqué[1]. Je lus avec grand intérêt l’introduction placée en tête de l’ouvrage de Fouqué. C’était un jugement sur sa vie et son esprit. Le spirituel Anglais compare d’abord notre Fouqué à un chanteur qui n’a que peu de notes, mais justes et agréables ; plus loin, il dit que Fouqué, ne cherchant pas dans l’Église poétique à être évêque ou grand dignitaire, s’est contenté, pour ainsi dire, des humbles fonctions de vicaire, mais les a parfaitement remplies. — Goethe, après quelque temps, m’appela dans son cabinet, où il venait de passer : « Asseyez-vous un instant, me dit-il, et causons encore un peu. Voilà une traduction de Sophocle qui vient d’arriver ; elle se lit bien, et paraît bonne ; je veux la comparer avec Solger. Et Carlyle, qu’en dites-vous ? » — Je lui communiquai ce que j’avais remarqué sur Fouqué. — « Eh bien ! n’est-ce pas joli ! oui, au delà de la mer il y a aussi des gens d’esprit[2] qui nous connaissent et savent nous apprécier. — Mais dans d’autres genres nous ne manquons pas aussi, en Allemagne, de bonnes têtes. J’ai lu dans les Annuaires de Berlin un article d’un historien sur Schlosser ; c’est très-beau ; c’est signé Henri Léo[3] ; je n’ai jamais entendu ce nom, mais il faut que nous nous informions de lui. Il est au-dessus des Français, ce qui, en histoire, est certes quelque chose ! Les Français restent

  1. Les Contes populaires de Musæus et l’Ondine de Fouqué sont, sinon beaucoup lus en France, du moins traduits en français.
  2. Un proverbe allemand dit : « Il y a aussi des gens au delà de la montagne. »
  3. M. Léo n’avait alors que vingt-huit ans. M. Léo s’est fait depuis une grande réputation comme un des adversaires les plus ardents du radicalisme et un des prôneurs du retour au moyen âge.