Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/436

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pain que mange l’Empereur est déjà dévoré. — Le conseil d’État veut représenter à Sa Majesté cette pénurie et prendre conseil avec elle ; mais Sa Majesté est peu disposée à daigner prêter sa haute attention à ces ennuyeux objets ; elle aime mieux s’amuser. — Là est la vraie place de Méphisto, qui écarte l’ancien fou et prend place à côté de l’Empereur, comme nouveau fou et comme conseiller. »

Goethe me lut alors la scène, imitant dans la perfection les murmures de la foule qui s’élèvent de temps en temps. — Ce fut pour moi une belle soirée.

Dimanche, 7 octobre 1827.

Ce matin, par un très-beau temps, j’étais déjà avant huit heures en voiture avec Goethe sur la route d’Iéna, où il veut rester jusqu’à demain soir. — Arrivés à Iéna, nous sommes allés d’abord au Jardin botanique ; Goethe examina toutes les plantes, qu’il trouva prospères. Après avoir visité encore le Cabinet de minéralogie et quelques autres collections scientifiques, nous nous rendîmes chez M. de Knebel[1] qui nous attendait pour dîner. — Quand nous arrivâmes, Knebel, qui est dans un âge très-avancé, vint d’un pas mal assuré sur sa porte, et serra Goethe dans ses bras. Le diner fut plein de cordialité et de gaieté ; mais la conversation fut sans grande importance. C’était assez pour les deux vieux amis de se sentir ainsi l’un près de l’autre. Après dîner nous fîmes en voiture une promenade sur les bords de la Saale, vers le sud de la vallée ; je croyais voir ces sites ravissants pour la pre-

  1. Mort en 1834. à quatre-vingt-dix ans. Il a écrit des poésies, donné d’excellentes traductions de Properce et de Lucrèce, Ses deux correspondances avec sa sœur Henriette et avec Goethe sont d’un grand intérêt pour l’histoire de la littérature allemande.