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Jeudi, 27 septembre 1827.

Les frères Riepenhausen[1] ont essayé de restituer les tableaux de Polygnote dans la Lesché de Delphes, en se servant de la description de Pausanias. Goethe m’a montré leurs dessins, et il n’a pas assez d’éloges pour leur entreprise.

Lundi, 1er octobre 1827.

Après avoir vu deux actes du Tableau de Houwald, je suis allé chez Goethe, qui m’a lu la seconde scène de la seconde partie du Faust. « Dans l’Empereur, me dit-il, j’ai cherché à peindre un prince qui a toutes les qualités nécessaires pour perdre son pays, ce qui en effet lui arrive réellement. Le bien de l’empire et de ses sujets ne l’inquiète nullement, il ne s’occupe que de lui-même, et ne pense qu’à trouver pour chaque jour nouveau une nouvelle manière de s’amuser. Le pays est sans lois, sans justice ; les juges sont complices des crimes et protègent les coupables ; rien n’empêche et rien ne punit les forfaits les plus inouïs. L’armée est sans solde, sans discipline ; elle se paye en maraudant et se soutient ainsi par elle-même. Le trésor est vide et sans espérances de recettes. Dans le palais même de l’Empereur, tout va aussi mal ; il n’a ni cuisine ni cave. Le maréchal du palais, qui de jour en jour est plus embarrassé, se met entre les mains des juifs, auxquels il engage tout ; de telle sorte que le

  1. Bons peintres, nés à Gœttingue. Ils ont vécu et sont morts à Rome. Jean Riepenhausen n’est mort qu’en 1860. — Pour leur restitution des tableaux de Polygnote, voir le très-long article de Goethe dans ses Fragments sur l’art. Rien de ce qui intéressait la Grèce ne lui restait étranger. Il a restitué récemment une tragédie d’Euripide, il se passionne maintenant pour la restitution de peintures de Polygnote. On sent qu’il voudrait ressusciter la Grèce tout entière.