Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/448

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dans cette classe que je le mettrais. Il n’a pas ce qui est utile aux grimpeurs, par suite de leur manière de vivre : un bec solide, capable de percer toute écorce d’arbre morte, et des plumes à la queue très-fortes et taillées de manière à le soutenir dans son travail. Il manque aussi d’ongles longs et aiguisés propres à saisir ; aussi, selon moi, ses pieds n’ont que l’apparence des pieds de grimpeur. »

« — Messieurs les ornithologistes, dit Goethe, sont déjà bien heureux quand ils ont pu caser, à peu près convenablement, un oiseau original, car la nature joue un jeu fort libre et s’inquiète peu des divisions tracées par l’esprit borné de l’homme. »

« — Ainsi, continuai-je[1], on met le rossignol parmi les fauvettes, et cependant par l’énergie de sa nature, de ses mouvements, de sa manière de vivre, il a bien plus de ressemblances avec les passereaux. Pourtant je ne voudrais pas davantage le ranger parmi les passereaux. Il est entre les deux classes, c’est un oiseau isolé, comme le coucou, et d’un caractère tout à fait particulier. »

« — Tout ce que l’on rapporte sur le coucou m’intéresse beaucoup à ce singulier oiseau, dit Goethe. Sa nature est tout un problème, un mystère visible, mais d’autant plus insoluble qu’il est visible. Et que de fois le même fait ne se présente-t-il pas pour nous ! Nous vivons plongés au milieu de miracles, la plus humble comme la meilleure des choses nous reste fermée. Prenez seulement les abeilles, nous les voyons tour à tour voler

  1. L’ami Eckermann parle et professe beaucoup dans cette conversation, mais sommes-nous donc si riches d’instruction que nous ne puissions lire, même rapidement, ce que Goethe écoutait avec plaisir et trouvait instructif ? Si d’ailleurs nous voulons le bien connaître, il faut consentir à entrer dans les goûts de son esprit.