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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/454

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connaissances et comme des membres d’une seule grande famille. Et même il peut arriver que le coucou couvé et élevé l’année précédente par un couple de fauvettes lui apporte son œuf l’année suivante. »

« — Oui, c’est une explication possible, mais pourquoi le petit coucou est-il nourri par des oiseaux qui ne l’ont ni couvé ni élevé ? Voilà ce qui reste tout à fait merveilleux. »

« — C’est une vraie merveille ; cependant on trouve des faits analogues, et même je soupçonne là une grande loi qui pénètre profondément la nature entière. — J’avais pris un jeune linot déjà trop gros pour se laisser nourrir par l’homme, mais trop petit aussi pour manger seul. Pendant une demi-journée, je me donnai avec lui beaucoup de peine, mais il ne voulut rien prendre de moi ; je le mis alors avec un vieux linot, bon chanteur, que j’avais déjà en cage depuis des années, et qui était suspendu à ma fenêtre, en dehors. Je me disais : « En voyant manger son compagnon, le petit l’imitera. » Ce n’est pas là ce qu’il fit ; il tourna son bec ouvert vers le vieux linot, l’implorant par de petits cris et battant des ailes ; le vieux linot eut alors pitié de lui, et il lui donna la becquée comme à son propre enfant. — Une autre fois on m’apporta une fauvette déjà grise et trois jeunes ; je les mis ensemble dans une grande cage ; la vieille nourrissait les jeunes. Le jour suivant, on m’apporta deux jeunes rossignols déjà sortis du nid, que je mis aussi avec la fauvette et qui furent adoptés et nourris par elle. Après quelques jours, je mis aussi quelques petits meuniers, presque prêts à voler, et enfin un nid de cinq jeunes moines. La fauvette les soigna tous et les nourrit tous en bonne mère. Elle avait toujours le bec plein d’œufs de fourmis,