Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vite être au but ; il avait déjà tiré une conclusion bien avant que je n’eusse fini mon observation, mais cette excitation mutuelle nous était profitable à tous deux. »

Quand on voulait se recommander pour toujours auprès de Goethe, il suffisait de lui rapporter de voyage quelque objet curieux d’histoire naturelle : une patte de phoque ou de castor, une dent de lion, une corne bizarrement enroulée d’antilope, de bouquetin, etc. ; tout objet de ce genre pouvait le rendre heureux pendant des journées, pendant des semaines entières ; il revenait sans cesse à sa contemplation ; quand il entrait en possession d’un pareil trésor, il eût semblé qu’il venait de recevoir une lettre d’un ami éloigné ; il l’examinait vite, le cœur rempli de joie, et communiquait avec bonheur ce qu’il venait d’apprendre. « Il est souvent arrivé à la nature, disait-il, de laisser échapper un de ses secrets malgré elle ; il n’y a qu’à épier l’occasion où elle se livre sans le vouloir. Tout est écrit quelque part, mais non pas où nous le supposons, ni à une seule place ; ainsi s’explique ce qu’il y a d’énigmatique, de sybillin, de discontinu dans nos observations. La nature est un livre immense renfermant les secrets les plus merveilleux, mais ses pages sont dispersées à travers tout l’univers ; l’une est dans Jupiter, l’autre dans Uranus, etc. Les lire toutes est donc impossible, et il n’y a pas de système qui puisse triompher de cette insurmontable difficulté. »

FIN DU PREMIER VOLUME

B. 1153. — Paris. — Imp. F. Imbert, 7, rue des Canettes.