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Hummel[1]. Hummel a improvisé au piano pendant presque une heure avec une puissance et un talent dont il est impossible de se faire une idée si on ne l’a pas entendu. Sa conversation est simple et naturelle, et pour un virtuose de si grande renommée sa modestie est frappante.

* Mardi, 3 décembre 1822.

En soirée chez Goethe. MM. Riemer[2], Coudray[3], Meyer, le fils de Goethe et madame de Goethe y assistaient. Les étudiants d’Iéna sont en révolte ; on a envoyé une compagnie d’artillerie pour les pacifier. Riemer a lu une collection de chansons qu’on leur avait défendu de chanter, défense qui a été la cause ou le prétexte de la révolte. Toutes ces chansons ont obtenu à leur lecture un succès complet, surtout à cause du talent visible qui s’y révèle ; Goethe lui-même les a trouvées bonnes, et m’a promis de me les prêter, pour que je puisse les lire à loisir.

Après avoir assez longtemps examiné des gravures et de beaux livres, Goethe nous a donné le plaisir de nous lire lui-même son poëme de Charon. Sa manière claire, nette, énergique de lire est admirable. Je n’ai jamais entendu une si belle déclamation. Quel feu ! Quels regards ! et quelle voix ! tantôt tonnante, tantôt douce et suave. Il a peut-être à quelques endroits déployé trop

  1. Hummel, depuis 1820, était maître de chapelle du grand duc de Weimar. — Il habitait Weimar et y est mort en 1857.
  2. D’abord précepteur du fils de Goethe de 1805 à 1812, puis professeur au collége de Weimar et bibliothécaire ; helléniste distingué. Il a laissé des Mémoires sur Goethe et publié un recueil de ses lettres. Mort en 1845.
  3. Architecte de la cour, mort en 1845. Il avait fait ses études à Paris, et était élève de Durand, professeur à l’École polytechnique, lors de sa formation.