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de l’aristocratie. Or ce n’est pas là un intérêt humain et universel. » — Je louai les Parents et l’Expiation, de Kotzebue. J’y vantais c1 un choix heureux de traits intéressants et aussi çà et là des peintures vraiment énergiques. Goethe fut de mon avis. « Ce qui dure vingt ans et se maintient avec la faveur populaire est quelque chose. Quand Kotzebue restait dans son cercle et ne voulait pas aller au delà de ses moyens, ce qu’il faisait était en général bon. C’est absolument comme Chodowiecky[1] ; les mœurs bourgeoises, il les peignait fort bien ; mais, s’il abordait les sujets grecs et romains, il était perdu. » Goethe m’indiqua quelques bonnes pièces de Kotzebue, et me nomma surtout les Klinsgberg. « Il ne faut pas le nier, ajouta-t-il, il a su observer et il a su tenir ses yeux ouverts. On ne peut pas non plus refuser aux poëtes tragiques contemporains l’esprit et quelque poésie ; mais ce qui manque à la plupart, c’est de savoir traiter d’une main légère une peinture vivante ; ils se fatiguent pour atteindre ce que leurs forces sont impuissantes à leur faire toucher, aussi on pourrait les appeler des talents forcés. » — Je doute, dis-je, que ces poëtes puissent écrire une pièce en prose ; ce serait-là d’ailleurs la vraie pierre de touche pour leur vraie valeur. — « Oui, dit Goethe, car, en effet, l’emploi du vers élève les facultés poétiques, ou du moins les excite à se déployer. »

Nous parlâmes alors de différents travaux dont il s’occupe. Il veut me donner ce qu’il a écrit sur ses voyages en Suisse, par Francfort et Stuttgart, pour que je lui dise

  1. Peintre et graveur polonais, né en 1726, mort en 1801. Son œuvre se compose de plus de 3 000 planches. Comme peintre de genre, il a fait école en Allemagne.

Errata :

c1. texte corrigé, voir ERRATA, Ier volume