Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/111

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moi, et il en viendra de pareils après moi. Mais que j’aie été dans mon siècle le seul qui, dans la science difficile de la théorie des couleurs, ait vu la vérité, voilà ce dont je suis fier, et ce qui me donne le sentiment de ma supériorité sur un grand nombre d’hommes. »

Vendredi, 20 février 1829.

Dîné avec Goethe. Il est heureux d’avoir fini les Années de voyage, qu’il doit envoyer demain à l’éditeur. Pour la Théorie des couleurs, il s’est rapproché un peu de mon opinion au sujet de la couleur bleue des ombres sur la neige. — Il parle de son Voyage en Italie, qu’il est en train de revoir. — « Nous sommes comme les femmes, dit-il ; quand elles accouchent, elles font vœu de ne jamais s’approcher désormais d’un homme, et avant qu’on ait le temps d’y penser, elles sont de nouveau enceintes. »

Lundi, 23 février 1829.

« Je viens de trouver dans mes papiers une feuille sur laquelle j’appelle l’architecture une musique fixée, disait Goethe aujourd’hui. Et en effet, il y a quelque chose comme cela ; l’effet que produit l’architecture se rapproche de l’effet produit par la musique.

« Les édifices superbes conviennent aux princes et aux riches. Quand on y vit, on se sent tranquille, on est satisfait, on ne désire plus rien. Cela est tout à fait contre mon naturel. Dès que je suis dans une habitation magnifique, comme j’y étais à Carlsbad, je deviens tout de suite paresseux, inactif. Au contraire, une habitation mesquine, comme cette mauvaise chambre où nous sommes, dans un ordre un peu désordonné, un peu bohème, voilà