Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/116

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est influence, en tant que nous ne le sommes pas nous-mêmes. »

« On n’a sur ce sujet, dis-je, à examiner qu’un point : une influence est-elle favorable ou nuisible ; est-elle en harmonie avec notre nature ou lui est-elle contraire ? »

« C’est bien là, en effet, ce dont il s’agit, dit Goethe, et la grande difficulté, c’est de conserver leur énergie aux plus hautes puissances de notre nature et de ne pas permettre aux puissances démoniaques plus d’autorité qu’il ne faut. »

Au dessert, Goethe fit placer devant nous sur la table un laurier en fleur et une plante du Japon. Je fis remarquer que chaque plante produisait un effet différent ; la vue du laurier rendait joyeux, léger, doux, paisible ; la plante du Japon rendait comme mélancolique et sauvage.

« Vous n’avez pas tort, dit Goethe ; voilà comment la flore d’un pays exerce de l’influence sur la nature d’esprit de ses habitants. Et c’est là un fait bien certain ! Celui qui, toute sa vie, serait entouré de grands chênes sévères, devrait être un autre homme que celui qui, chaque jour, se promène sous de légers bouleaux. On doit seulement remarquer que les hommes ne sont pas, en général, d’une nature aussi sensible que nous autres et qu’ils poussent vigoureusement leur vie en avant sans accorder tant d’influence aux impressions extérieures. Mais, indépendamment de ce qui est attaché à la race, il est certain cependant que le sol comme le climat, la nourriture comme les occupations agissent pour compléter le caractère d’un peuple. Il faut aussi penser que les races primitives ont pris le plus souvent possession d’un pays, parce qu’il leur plaisait, c’est-à-dire parce qu’il se trouvait en harmonie avec le caractère inné de cette race.