Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faibles, maladifs, malades ; l’antique n’est pas classique parce qu’il est antique, mais parce qu’il est vigoureux, frais, serein et sain. Si nous distinguons le classique et le romantique d’après ces caractères, nous y verrons bientôt clair[1]. »

Nous parlâmes alors de l’emprisonnement de Béranger. Goethe dit : — « Ce qui lui arrive est bien fait. Ses dernières poésies sont sans frein, sans mesure, et ses attaques contre le roi, contre le gouvernement, contre l’esprit pacifique des citoyens, le rendent parfaitement digne de sa peine. Ses premières poésies, au contraire, étaient gaies, inoffensives et excellentes pour rendre un cercle d’hommes joyeux et content, ce qui est bien la meilleure chose que l’on puisse dire de chansons. Je suis sûr que son entourage a exercé sur lui une mauvaise influence et que, pour plaire à ses amis révolutionnaires, il a dit bien des choses qu’autrement il n’aurait jamais dites. »

— « Votre Excellence devrait exécuter son plan et écrire un chapitre sur les influences ; le sujet est important, et plus on y pense, plus on le trouve riche. »

« Il n’est que trop riche, dit Goethe, car, à la fin, tout

  1. Goethe a résumé dans une Xénie douce ses principes sur l’art, en les opposant aux principes du romantisme : « Artistes, que vos œuvres montrent toujours à nos yeux, sous un riche coloris, des contours purs ! Que les illusions que vous donnez à nos âmes soient saines ; qu’elles laissent en nous de saines émotions. Fuyez ces lieux où la sottise ténébreuse se plaît à errer, adorant avec ferveur ce qu’elle ne comprend pas ; là on aperçoit des bandes innombrables de contes effrayants qui se glissent, s’agitent et puis s’enfuient. Chassez loin de vous le limon verdâtre de l’enfer de Dante ; que le naturel et l’heureuse persévérance n’aillent puiser qu’à des sources limpides ! » — (Zahme Xenien. III). — Goethe trouvait le succès des Contes fantastiques d’Hoffmann « déplorable » et les Danses des Morts, si vantées, lui paraissaient « absurdes, »