Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/126

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hollandais. » — « Elle a quelque chose de la poésie : Good man and good wife. » — « Vous me prenez le mot sur les lèvres, dis-je ; j’ai pensé constamment à ce poëme écossais, et j’avais le tableau de Van Ostade devant les yeux. » — « Il est singulier, dit Goethe, que ces deux poésies ne se laissent pas reproduire par la peinture ; elles donnent bien la même impression qu’un tableau ; elles inspirent la même émotion, et cependant, si elles étaient peintes, elles ne seraient rien. » — « Ce sont, dis-je, de beaux exemples pour montrer la poésie s’approchant autant qu’il est possible de la peinture, sans sortir de sa sphère propre. Ces poésies sont celles que j’aime le plus, parce qu’il y a en elles une vue pour l’imagination et une émotion pour l’âme. — Mais je ne comprends pas comment vous êtes arrivé à concevoir cette situation ; cette poésie est comme d’un autre temps et d’un autre monde. » — « Je ne la ferais pas non plus une seconde fois, dit Goethe, et je ne saurais pas dire comment je suis arrivé à l’écrire ; cela, du reste, se présente souvent. » — « Ce qu’il y a encore de singulier dans cette poésie, dis-je, c’est qu’il me semble toujours qu’elle est rimée, et cependant elle ne l’est pas. D’où cela vient-il ? » — « La cause est dans le rhythme, dit Goethe. Les vers commencent par une syllabe seule, une espèce de petite note, continuent par des trochées, et à la fin vient un dactyle, qui donne un caractère triste. » Goethe prit un crayon et scanda ainsi :

Vŏn | mēinĕm | brēitĕm | Lāgĕr | bīn ĭch vĕr | trīebĕn.

Nous parlâmes du rhythme en général et fûmes tous deux d’accord que la réflexion ne sert en rien pour le