Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/127

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sentir. — « La mesure qu’il faut employer, dit Goethe, est inspirée par l’état d’âme dans lequel on se trouve, et elle vient sans qu’on y pense. Si on voulait y réfléchir, quand on écrit une poésie, on s’embrouillerait, et l’on ne ferait rien de bon. »

J’attendais l’épreuve de l’écusson ; Goethe se mit à parler de Guizot. — « Je continue à lire ses leçons, dit-il ; elles se soutiennent excellentes. Celles de cette année vont à peu près jusqu’au huitième siècle. Je ne connais aucun historien qui lui soit supérieur par la profondeur et l’étendue des vues. Des choses auxquelles on ne pense pas prennent à ses yeux la plus grande importance, comme origines de grands événements. Ainsi nous voyons là, clairement expliquée et démontrée, l’influence qu’a eue sur l’histoire la prédominance de certaines opinions religieuses, telles que la doctrine du péché originel, de la grâce, des bonnes œuvres, idées auxquelles certaines époques doivent leur physionomie. Nous voyons aussi là comment le droit romain n’a jamais péri, tout en disparaissant de temps en temps, semblable à un oiseau qui plonge, mais qui remonte à la surface de l’eau ; et à cette occasion notre excellent Savigny voit ses services pleinement reconnus. Lorsque Guizot parle des influences que dans les temps primitifs les nations étrangères ont exercées sur les Gaulois, j’ai surtout trouvé curieux ce qu’il dit des Allemands. — « Les Germains, dit-il, nous ont apporté l’idée de la liberté individuelle, qui était particulière à ce peuple. » — N’est-ce pas très-joliment trouvé, et n’a-t-il pas parfaitement raison ? cette idée n’est-elle pas encore aujourd’hui vivante et active parmi nous ? De cette source sont sorties et la réforme, et la conspira-