Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CONVERSATIONS
DE GOETHE


Mardi, 11 mars 1828.

Depuis quelque temps je ne suis pas très-bien portant. Goethe m’a engagé plusieurs fois à prendre conseil de mon médecin. « Ce que vous avez n’est sans doute rien de grave. C’est un petit encombrement intérieur qui sera dissipé par quelques verres d’eau minérale ou par quelque sel. Mais ne laissez pas cela traîner en longueur, agissez tout de suite. » — Je trouvais que Goethe avait raison, mais, par manque de décision, je ne fis rien. Aujourd’hui j’allai chez Goethe après le dîner ; voyant que je n’avais pas recouvré ma sérénité, il me railla avec un peu d’impatience : « Vous êtes un second Shandy, le père du célèbre Tristram c7, qui, pendant la moitié de sa vie, fut ennuyé par une porte qui criait sans pouvoir se résoudre à faire disparaître, avec deux gouttes d’huile, son ennui de chaque jour. Mais c’est ainsi que nous sommes tous ! La destinée de l’homme dépend de la lumière ou de l’obscurité qu’il a tour à tour en lui. — Il faudrait qu’un bon démon nous menât toujours par une lisière, en nous indiquant ce que nous avons à faire. Quand le génie favorable nous abandonne, nous nous


Errata :

c7. texte corrigé, voir ERRATA, IIe volume