Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/149

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sensations, et vivre à moitié dans le rêve. — L’écriture des lettres était tranquille, claire, élégante, et marquée déjà du caractère qu’elle a plus tard toujours conservé. Je ne pouvais m’empêcher de relire sans cesse ces charmantes lettres, et je quittai Goethe on ne peut plus heureux, on ne peut plus reconnaissant.

Dimanche, 12 avril 1829.

Goethe m’a lu sa réponse au roi de Bavière. Il s’y représente comme montant les degrés de la Villa et venant parler au roi. — « Il doit être difficile, dis-je, de trouver le ton juste qu’il faut employer dans ces circonstances. » — « Celui qui comme moi, me répondit Gœthe, a pendant toute sa vie eu des relations avec de grands personnages le trouve facilement. Le seul moyen, c’est de ne pas se laisser aller à parler avec trop de naturel et de conserver toujours, au contraire, les formules convenues. »

Gœthe parla alors de la rédaction du récit de son second séjour à Rome, qui l’occupe maintenant, « Par les lettres que j’ai écrites dans cette période, je vois clairement que chaque âge de la vie apporte avec lui des avantages et des désavantages. Ainsi, dans ma vingtième année, sur plusieurs sujets j’étais déjà aussi pleinement décidé, aussi instruit que maintenant, et même, à maints points de vue, mieux ; cependant je ne changerais pas ce que je possède aujourd’hui dans ma quatre-vingtième année contre ce que je possédais alors. »

« Vos paroles me rappellent votre Métamorphose des plantes, dis-je, et je conçois très-bien que l’on ne veuille pas revenir de la période de la fleur à la période des feuilles et de la période du fruit et de la graine à la période de la fleur.