Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/178

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sont possibles, si elles ne sont pas en contradiction avec d’autres lois connues. Une telle imagination suppose une intelligence large et paisible, qui domine au loin le monde vivant et ses lois. »

Pendant que nous causions, on apporta un paquet qui renfermait le Frère et la sœur, traduit en langue bohème, ce qui parut faire grand plaisir à Goethe.

* Dimanche, 31 janvier 1830.

J’ai fait une visite à Goethe avec le prince. Il nous a reçus dans son cabinet de travail. Nous avons causé des diverses éditions de ses œuvres, et il m’a surpris en m’apprenant qu’il ne possédait pas lui-même la plupart de ces éditions. Il n’a pas non plus la première édition de son Carnaval de Rome, ornée de gravures faites d’après ses propres dessins. Il nous dit qu’il avait cherché à l’avoir dans une vente, pour six thalers, sans y réussir. Il nous montra le premier manuscrit de son Gœtz de Berlichingen, tout à fait dans sa première forme, tel qu’il fut écrit il y a plus de cinquante ans, en quelques semaines, sur les instigations de sa sœur. L’écriture avait déjà ces lignes élancées, cette physionomie claire et décidée qu’elle a toujours conservée depuis et qu’elle a encore, quand il écrit en lettres allemandes. Le manuscrit était très-propre ; on lisait des passages entiers sans la moindre rature, et on l’aurait pris plutôt pour une copie que pour un premier jet. Goethe nous dit qu’il a écrit de sa main tous ses premiers ouvrages, Werther aussi, mais le manuscrit s’est perdu. Plus tard, il a presque tout dicté, et il n’y a plus de sa main que des poésies et quelques notes sur des plans d’ouvrages. Très-souvent il n’a pas pensé à prendre copie