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Mercredi, 3 mars 1830.

Causé beaucoup de Wieland. Gœthe trouve le fond d’Oberon faible, et le plan mal conçu. — « C’est un grand défaut d’avoir appelé un esprit pour procurer la barbe et les dents molaires ; le héros devient alors inutile. Mais le grand poëte a mis dans l’exécution tant de charme, de couleur, d’esprit, qu’on ne pense pas au fond de l’histoire. »

Nous sommes revenus à l’Entéléchie : « Ce qui me prouve que quelque chose de ce genre existe, a dit Goethe, c’est l’opiniâtreté des caractères individuels, et l’habitude que l’homme a de repousser tout ce qui n’est pas en harmonie avec son être. Leibnitz a eu aussi l’idée d’essences indépendantes, seulement ce que nous appelons entéléchie, il l’appelait monade. »

* Vendredi, 5 mars 1830.

Mademoiselle de Turkheim, proche parente d’une des jeunes filles aimées de Goethe dans sa jeunesse, a passé quelque temps à Weimar. J’exprimai aujourd’hui à Goethe le regret que me causait son départ. « Elle est bien jeune, dis-je, et montre un esprit d’une élévation et d’une maturité que l’on trouve rarement dans un âge plus avancé. Son séjour à Weimar aurait pu devenir dangereux pour plus d’un, s’il s’était prolongé. »

« — Je suis extrêmement fâché, dit Goethe, de ne l’avoir pas vue plus souvent, et d’avoir d’abord différé de l’inviter pour causer à l’aise et réveiller en elle les traits bien aimés de sa parente. — J’ai terminé il y a quelque temps le volume de Vérité et Poésie où vous trouverez l’histoire de tous les bonheurs et de toutes les souffrances de mes