Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

péché originel ; il aurait pour vêtement une légère peau de chevreuil. Et pour exprimer qu’il est le père de l’humanité, on ferait bien de placer à côté de lui l’aîné de ses fils, sa consolation ; cet enfant au regard hardi, serait comme un petit hercule, serrant un serpent dans sa main. — Pour Noé, j’ai eu une autre idée qui me plaît davantage ; je ne le rapprocherais pas du Bacchus indien, je lui donnerais les attributs du vendangeur, pour qu’il apparut comme une espèce de sauveur, lui qui en cultivant le premier la vigne, a su délivrer l’humanité de soucis et de tourments. »

Mercredi, 24 mars 1830.

Dîné chez Goethe. Il me parle d’une poésie française qui lui est arrivée en manuscrit dans la collection de David. Elle a pour titre : Le rire de Mirabeau[1], « Cette poésie, a dit Goethe, est pleine d’esprit et d’audace ; vous la lirez. Il semble que Méphistophélès ait préparé l’encre dont s’est servi le poète. Il a du talent, s’il a écrit sans avoir lu Faust, et il n’en a pas moins, s’il l’avait lu. »

Lundi, 29 mars 1830.

Ce soir quelques moments chez Goethe. Il était paisible, et semblait dans la disposition la plus douce et la plus sereine. Je le trouvai avec son petit-fils Wolf et la comtesse Caroline d’Egloffstein, son amie intime. Wolf tourmentait beaucoup son cher grand père. Il montait sur lui, et se mettait tantôt sur une épaule, tantôt sur l’autre. Goethe

  1. Cette poésie, qui a pour auteur Cordellier-Delanoue, mort en 1854, a été publiée dans un recueil intitulé les Sillons (Paris 1855).