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sang[1], et il a été toute la journée tout près de la mort. Avec la saignée, il a perdu six livres de sang, ce qui est beaucoup pour ses quatre-vingts ans. Grâce à l’habileté de M. Vogel, son médecin, et à son incomparable organisation, il est resté vainqueur ; la guérison marche à pas rapides ; l’appétit est revenu, il dort toute la nuit. La parole lui est interdite, il ne reçoit personne, mais son esprit éternellement en activité ne peut pas se reposer ; il pense déjà de nouveau à ses travaux. J’ai reçu ce matin le billet suivant qu’il m’a écrit au crayon dans son lit.

« Cher docteur, auriez-vous la bonté de revoir encore ces poésies que vous connaissez déjà, et de mettre en ordre les nouvelles, pour qu’elles prennent leur place avec les autres. Faust viendra ensuite ! Au plaisir de vous revoir.

Goethe.
W., le 30 nov. 1830.


Quand Goethe fut tout à fait guéri, il se donna tout entier au quatrième acte de Faust et à l’achèvement du quatrième volume de Vérité et poésie. Je revis ses petits écrits, ses notes journalières, ses lettres, pour préparer leur prochaine publication. Il ne fallait plus penser à rédiger avec lui nos conversations. Je me bornai donc à augmenter ma provision de notes, pour les accroître tant qu’une destinée favorable voudrait bien me le permettre.

  1. Goethe se montre là bien à jour, malgré lui. Son âme stoïque déteste les plaintes de femme, les vains étalages de douleur, mais cette tranquillité extérieure cache, on le voit, des combats intérieurs terribles. Pas une lamentation, mais une attaque d’apoplexie. Il en avait été de même à la mort du grand-duc, et l’on se rappelle aussi sa maladie après le chagrin éprouvé à Marienbad. Quel homme insensible !