Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/254

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Messieurs les critiques se mettent à murmurer, si on fait rimer un s avec un sz ou un ss. — Si j’étais encore assez jeune et assez osé, je violerais à dessein toutes les lois de fantaisie ; j’userais des allitérations, des assonances, des fausses rimes, et de tout ce qui me semblerait commode, je ne m’occuperais que du principal : du sens, et je tâcherais de dire ainsi des choses assez bonnes pour que tout le monde en soit enchanté et veuille les apprendre par cœur.

Vendredi, 11 février 1831.

Aujourd’hui, à dîner, Goethe m’a dit qu’il avait commencé le quatrième acte de Faust et qu’il allait le continuer, ce qui m’a rempli de joie. Il m’a ensuite parlé avec grands éloges de Fr. G. Schœne, jeune philologue de Leipzig ; il a écrit un ouvrage sur le costume dans les pièces d’Euripide[1], et, tout en montrant beaucoup d’érudition, il ne s’est livré à aucun développement étranger à son sujet. — « Je suis content, dit-il, de le voir écrire dans un esprit aussi pratique, quand aujourd’hui tant d’autres philologues s’occupent de questions de forme et de syllabes longues ou brèves. C’est toujours un signe de stérilité, quand une époque ou un homme s’occupe de petits détails techniques. — Il y a aujourd’hui d’autres causes encore de stérilité. Ainsi par exemple, vous trouverez dans le comte Platen presque toutes les conditions qui font le bon poète : imagination, invention, esprit, fécondité, il possède tout au plus haut degré ; il a d’excellentes connaissances techniques, un savoir et un sérieux qui ne se rencontrent que rarement, mais son malheureux goût pour la polémique paralyse tout. Avec un pareil talent,

  1. De Personarum in Euripidis Bacchis habitu scenico. Schœne est mort en 1857, directeur du gymnase de Stendhal. (Prusse.)