Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/260

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tère ne fut qu’une espèce de faible accessoire. Mais à la vérité, pour reconnaître et honorer un grand caractère, il faut en être un soi-même. Tous ceux qui ont refusé à Euripide l’élévation étaient de pauvres hères incapables de s’élever avec lui, ou bien c’étaient d’impudents charlatans, qui voulaient se faire valoir et qui en effet se grandissaient aux yeux d’un monde sans énergie. »

Lundi, 14 février 1831.

Dîné avec Goethe. Il avait lu les Mémoires du général Rapp, ce qui amena la conversation sur Napoléon et sur les sentiments que madame Lætitia a dû éprouver en se voyant la mère de tant de héros et d’une si puissante famille. Quand elle devint mère de Napoléon, son second fils, elle avait dix-huit ans, son mari vingt-trois, et l’organisation physique de Napoléon se ressentit heureusement de la jeune et fraîche énergie de ses parents. Après lui, elle fut encore mère de trois autres fils, tous richement doués, tous ayant joué avec vigueur leur rôle dans le monde, et tous doués d’un certain talent poétique. Après ces fils vinrent trois filles, et enfin Jérôme, qui paraît avoir été le moins bien doué de tous. Le talent, s’il n’est pas dû aux parents seuls, demande cependant une bonne organisation physique ; il n’est donc nullement indifférent d’être né le premier ou le dernier, d’avoir pour père et mère des êtres jeunes et vigoureux, ou bien vieux et débiles. — « Il est curieux, dis-je, que le talent musical se montre le premier de tous ; Mozart à cinq ans, Beethoven à huit ans, Hummel à neuf ans, étonnaient déjà autour d’eux par leur jeu et leurs compositions. »

« Le talent musical, dit Goethe, doit naturellement se