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gnificences. Ces railleries étaient dues certainement à l’élévation de son esprit ; mais, comme il avait une nature exclusivement négative, il était toujours plus disposé au blâme qu’à l’éloge, et sans le vouloir il cherchait sans cesse à satisfaire sa démangeaison de critique. » En me parlant d’un administrateur du duché, il m’a dit : « C’est un homme que l’on ne peut comparer à nul autre ; il a été le seul à voter avec moi contre les licences de la presse ; il est ferme, on peut se fier à lui, il défendra toujours la loi[1]. »

En nous promenant dans le jardin, nous admirions les tulipes. Goethe a dit : « Un grand peintre de fleurs n’est plus possible ; on exige maintenant trop d’exactitude scientifique, et le botaniste vient compter les étamines de l’artiste, sans avoir égard à la manière pittoresque dont les fleurs sont groupées et éclairées. »

Lundi, 28 mars 1831.

« Ma Métamorphose des plantes, m’a dit Goethe, est pour ainsi dire achevée. Ce que j’ai encore à dire sur la spirale et sur M. de Martius est comme fini ; ce matin, je me suis remis au quatrième volume de ma biographie, et j’ai écrit c8 un sommaire de ce qui me reste à faire. Je peux dire que mon sort est à certains points de vue enviable, moi à qui il a été donné, à un âge aussi avancé, d’écrire

  1. Le spectacle donné par les journaux pendant la Révolution française avait inspiré à Goethe un éloignement assez prononcé pour les lois qui abandonnent trop la presse à elle-même ; les inconvénients attachés à la liberté absolue étaient de ceux que son esprit ne pouvait tolérer. Voici une Xénie courte et claire : « Cette liberté de la presse, si sacrée pour vous, quel fruit, quel avantage apporte-t-elle ? Son résultat certain, le voici : Un mépris profond de l’opinion publique. » — Soumettre la presse à quelques légères restrictions, c’était, selon lui, l’empêcher de tomber entre les mains des Philistins. (Voir plus haut, Ier vol., page 375.)

Errata :

c8. texte corrigé, voir ERRATA, IIe volume