Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/337

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métaphysique faussée, tantôt c’est la métaphysique qui est une théologie platonicienne faussée. — Toutes deux sont trop hautes pour que le raisonnement, qui ne s’élève pas au-dessus de la sphère commune, puisse se flatter de conquérir leurs trésors. La lumière générale d’un siècle, en se répandant sur l’intelligence de chaque individu, ne peut éclairer que le cercle très-étroit dans lequel s’exercent les facultés pratiques.

« La plupart du temps le peuple se borne à répéter avec le même accent les mots que quelque bouche éclatante a articulés bien haut devant lui. Ainsi se produisent les faits les plus bizarres ; ainsi naissent des prétentions incroyables. On entend souvent un homme presque inculte, mais qui se croit un esprit éclairé, parler, du haut d’un dédain superficiel, sur des sujets devant lesquels un Jacobi, un Kant, c’est-à-dire les esprits qui sont considérés avec justice comme l’honneur de notre nation, s’inclineraient, pleins d’une crainte respectueuse. — Les résultats de la philosophie, de la politique et de la religion, voilà ce que l’on doit donner au peuple et ce qui lui sera utile ; mais il ne faut pas vouloir, des hommes du peuple, faire des philosophes, des prêtres, des politiques. Cela ne vaut rien ! — Si on cherchait, dans le protestantisme, à mieux séparer ce qui doit être aimé, ce qui doit vivre en nous, ce qui doit être enseigné, si on observait sur les mystères un inviolable et respectueux silence, sans forcer les esprits, avec une choquante présomption, à entrer dans des dogmes sophistiqués de telle ou telle manière, sans déshonorer certains d’entre eux, comme on le fait aussi, par des railleries et des critiques déplacées qui les mettent tous en danger, alors, s’il en était ainsi, je serais le premier à me rendre