Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/350

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Nous venons d’assister à la mort de Goethe ; ses restes vont être transportés solennellement au tombeau ducal, dans un cercueil dont il a autrefois, pour Schiller, tracé lui-même le dessin. Là repose son corps ; mais son âme, si noble et si grande, où est-elle ?…

Écoutons une dernière fois Goethe, c’est lui-même qui va nous ouvrir quelques perspectives flottantes sur cet immense inconnu, et tenter de donner un fragment de réponse à d’insondables questions ; ici comme dans les pages qui terminent Faust, il nous dira son dernier mot sur le problème de la destinée humaine, mais on sait trop qu’en toute science, et surtout en philosophie, le dernier mot de tout homme est un mot inachevé.



Le jour des funérailles de Wieland, je remarquai que Goethe avait dans tout son être une solennité qu’on lui voyait rarement[1]. Il semblait avoir l’âme profondément attendrie, et comme toute pénétrée de mélancolie. Dans ses yeux passaient souvent de brillantes lueurs ; ses paroles, sa voix étaient changées. — Cette disposition toute particulière donna à la conversation que j’eus avec lui ce jour-là une direction qu’il lui donnait rarement. Nous parlâmes du monde invisible. D’ordinaire Goethe éloignait ce sujet ; il aimait mieux causer du présent et de tous ces objets que l’art et la science offrent à nos yeux, et qui n’échappent pas à notre contemplation directe.

Nous parlions de l’ami que nous venions de perdre ; après un mot de Goethe qui sous-entendait la croyance à

  1. Janvier 1813. C’est Falk qui parle.