Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/399

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tout ce qu’elle renfermait de sombre dans sa conception première qu’il a pu tracer les principales scènes avec un crayon aussi tourmenté que la destinée du héros. M. Delacroix est un peintre d’un incontestable talent ; mais il est accueilli comme le sont souvent les jeunes gens par nous autres vieillards ; les connaisseurs et les amis de l’art ne savent pas trop, à Paris, ce qu’il faut dire de lui, car il est impossible de ne pas lui reconnaître des qualités, et, cependant, on ne peut louer sa manière désordonnée. Faust est une œuvre qui va du ciel à la terre, du possible à l’impossible, de la grossièreté à la délicatesse, toutes les antithèses que le jeu d’une audacieuse imagination peut créer y sont réunies ; aussi M. Delacroix s’est senti là comme chez lui et dans sa famille. Ses dessins éteignent l’éclat de tout ce qui les entoure ; ces pages si nettes du texte disparaissent, et l’esprit, ramené dans un monde ténébreux, ressent de nouveau toutes les anciennes émotions que nous donnait l’histoire fantastique de Faust.

Je ne veux pas en dire davantage, mais je désire que ce remarquable travail produise sur tous ceux qui l’examineront le même effet que sur nous et leur donne autant de plaisir.


Les Souffrances de Werther ont été de très-bonne heure traduites en français ; l’effet produit fut grand comme partout, parce que, dans la traduction, purent passer toutes les idées d’un intérêt humain, général, que renfermait l’original. Au contraire, toutes mes autres œuvres étaient très-éloignées de la manière française ; je m’en rendais bien compte. Seule, ma traduction d’Hermann et Dorothée, par Bitaubé[1], se répandit doucement. En général, il était difficile pour tous, à ce moment, de percer en France. Cependant quelques partisans fidèles de la littérature allemande continuèrent à travailler pour nous. On traduisit mon théâtre. Dans ces derniers temps, mes œuvres ont gagné en France une influence nouvelle. Motifs. (Voir le Globe, n° 55 Tome III. 1826.) Les anticlassiques trouvent un secours dans mes principes sur l’art ; les œuvres que j’ai écrites d’après ces principes sont des exemples à invoquer qui leur conviennent parfaitement. Aussi ils se conduisent avec une grande adresse, en ne critiquant qu’avec modération les passages qui ne leur plaisent pas.

  1. 1800.