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ŒUVRES DRAMATIQUES DE GOETHE,
traduites en français par A. Stapfer. Notices de MM. Stapfer et Ampère.

Au moment où l’on soumet à la nation allemande cette question ; une collection des longs travaux littéraires de Goethe serait-elle bien accueillie ? à ce moment, il sera peut-être agréable de savoir quel effet produisent ces œuvres sur une nation voisine qui ne s’est jamais intéressée que d’une façon générale aux travaux de l’Allemagne, qui n’en a connu que quelques-uns et qui n’en a loué qu’un très-petit nombre.

Nous ne pouvons nier que cet éloignement entêté que les Français témoignaient contre nos ouvrages, nous a, à notre tour, très-vivement détournés des leurs ; nous nous sommes peu inquiétés de leurs jugements sur nous, et nous ne les avons pas jugés nous-mêmes avec une grande faveur. Il est curieux de voir aujourd’hui les mêmes œuvres recevoir les mêmes éloges des deux peuples, et s’attirer l’estime, non de quelques personnes isolées et très-bienveillantes, mais d’un groupe d’esprits nombreux. Ce changement mérite un examen attentif. Il a plusieurs causes. D’abord, les Français se sont pleinement convaincus que les Allemands se distinguent en tout par l’honnêteté sérieuse des efforts, par la bonne volonté, par une énergie vigoureuse et persévérante. De cette conviction est née cette autre : il faut considérer les œuvres considérables d’une nation étrangère, et d’un individu de cette nation, comme des œuvres indépendantes de nous, nées d’elles-mêmes pour elles-mêmes ; et, je dirai plus, il ne faut les juger que d’après les lois qui leur sont propres. Nous devons donc, au point de vue du progrès général du monde, nous réjouir, en voyant une nation, qui s’est éprouvée et purifiée en traversant tant d’époques diverses, chercher autour d’elle des sources fraîches, pour se ranimer, se fortifier, se restaurer ; c’est plus que jamais en dehors d’elle-même qu’elle cherche son rajeunissement, car elle ne s’adresse plus à une nation dont le développement est achevé, dont les œuvres ont une perfection reconnue depuis longtemps ; elle se tourne vers un peuple voisin, peuple encore vivant, encore engagé dans la lutte et dans la recherche. Nous ne sommes pas même les seuls qui attirions son attention ; les Anglais et les Italiens l’occupent aussi ; si on voit, sur